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IV


Un matin de mars, Lucie Thirache contait dans ce cabaret les péripéties d’une atroce agression qu’elle avait subie la nuit précédente. À prolonger son récit, à user sa douleur en l’avivant sans cesse par d’épouvantables évocations, elle ressentait un intime soulagement ; et, comme Zéphyr venait d’entrer, elle reprit sa narration dans une avidité de rééditer ses souffrances. Deux hommes distingués et riches par l’apparence, l’avaient accompagnée chez elle, puis l’avaient insultée, battue, et elle s’était défendue courageusement.

Devant les clients matineux, ouvriers vêtus de velours brun, commères en jupes sales, fillettes en longs sarraux noirs, à la natte frétillante, Lucie se faisait très brave, se dépeignait une