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III


Vint l’hiver, un hiver froid, très sec. Cependant Lucie recommençait tous les jours sa lente promenade, satisfaite de cette saison qui rendait plus douce aux michés la perspective d’un lit bien chaud. Mais l’arrivée hâtive de la nuit contraignait la fille à sortir plus tôt et allongeait la durée de ses vadrouilles.

Vers sept heures, lorsque déjà nul espoir d’un dîner offert ne lui restait, elle s’arrêtait, prise de faim, devant un magasin d’épiceries, au coin des rues Esquermoise et Nationale. C’était une boutique assez vaste, très éclairée, animée par un continuel défilé d’acheteurs. Elle aimait regarder, friande, l’intérieur du magasin, les bouteilles alignées, les tiroirs jaunes échafaudés et décorés d’étiquettes. La devanture surtout l’inté-