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puis, elle serait vertueuse et chaste. Elle aurait sa chaise à la Basilique ; elle ferait l’aumône, splendeurs que couronnerait un mariage avec quelque jeune homme vigoureux et beau.

Tantôt ces songeries se modifiaient, et un horizon si bourgeois lui semblait mesquin. Ce qui lui fallait alors c’était Paris, la noce à outrance, la vie élégante et fastueuse. Elle pensait aux délices que devait renfermer cette ville idéale dont les commis-voyageurs parlaient avec un enthousiasme vague. À Paris, son luxe la ferait bientôt remarquer. Toutes les avances seraient éconduites impitoyablement, jusqu’au jour où s’offrirait à elle l’amant attendu, capable de se donner tout entier, de lui procurer toutes les richesses, de vivre à ses pieds avec une adorante soumission. Bien d’autres idées lui venaient encore, différentes, contraires, souvent toutes à la fois. Mais, toujours dans ses rêves, elle se voyait aux bras d’un homme, et le bonheur lui paraissait reposer sur l’affection d’un garçon jeune et fort, qui saurait avoir pour elle l’exquise tendresse de Léon avec des vigueurs bien autrement voluptueuses.

C’est que Lucie avait gardé le furieux besoin des plaisirs érotiques. La nuit, elle collait tout à coup ses lèvres brûlantes au corps du miché, soupirante. Elle s’imaginait être ardente par