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le même toujours, cru, aigrelet : une salade de laitue baignée de vinaigre. Jamais elle ne cuisinait un plat chaud par une crainte d’empester sa chambre soigneusement parfumée en tous coins. Le repas fini, elle se levait très sérieuse, avec le sentiment de commencer enfin la besogne du jour.

À parfaire sa toilette, Lucie gravement employait un énorme soin. Devant son armoire à glace, c’étaient de continuels tournoiements sur un talon, sur l’autre, des contorsions du cou, penché vers l’épaule, pour scruter la draperie habilement chiffonnée de la jupe. Elle trempait une serviette dans sa cuvette à dessins roses et se frottait le visage minutieusement, dans les creux. Après s’être lavée, elle allumait une bougie auprès de la lampe, en face de la glace, pour enrouler la frisure de ses cheveux autour d’une épingle échauffée.

La toilette s’achève. Le corsage fort tendu, moule la taille amincie par le corset. Lucie se dresse très droite en sa robe collante et elle jette un dernier coup d’œil à la glace. Cet examen met à ses lèvres un sourire satisfait. Vraiment, elle se trouve ainsi très attrayante. Ses cheveux tombent sur le front en frisures molles, laissent une raie blanche entre leur alignement et l’arc des sourcils. Les yeux, couleur de bronze, ont de chauds reflets.