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d’une cohue en gaîté. Elle irait là, certainement. Il lui souvenait de s’être rencontrée, en un café, à des hommes bien distingués. Mais vite elle chassa de telles pensées. Des hommes ! Oh ! pour sûr que non, elle n’en verrait plus ; oh non ! c’était bien fini, cette fois. Elle allait se remettre au travail et vivrait seule.

Et, soudain, une idée l’arrêta dans ses projets d’avenir. Ce Georges, tout de même, quel sale individu ! Elle se rappela toute la vie passée avec lui, les continuels présents qu’elle lui donnait, comment elle avait fait son éloge à Dosia, l’autre jour encore. Oh ! du reste, Charles, c’était bien la même chose : car, elle le sentait à présent ; elle n’avait point cessé de l’aimer pendant son absence. Elle avait pris Georges pour se désennuyer ; mais, au fond, c’était toujours à Charles qu’elle songeait. Eh bien, c’était encore un rude celui-là.

En un moment Lucie avait oublié les cadeaux de l’officier, ses longues prévenances, le tour qu’elle-même lui avait joué. L’arrivée imprévue de Charles lui apparaissait comme une machination préparée contre elle, si noire qu’elle anéantissait les bontés antérieures.

En avançant dans la rue Ernestale, elle se retraçait tous les détails de son séjour à Arras. Vraiment, elle avait fait une belle affaire, en y venant. Et c’était encore la faute à cette garce