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Seule, la perspective du retour de Charles lui apparaissait toujours comme un événement désirable. Un jour, bientôt, elle les retrouverait ces infinis plaisirs ; et, sans doute, ce repos absolu durant un mois, lui rendrait meilleures les caresses.

Ainsi elle vivait, engourdie, contente.

Mais elle fut distraite de cette insouciance par l’arrivée d’un comique engagé pour la saison d’été. Il s’intitulait Cretson, comique danseur, et à la porte du café concert, il avait fait établir un cadre contenant dix-huit photographies de sa personne dans dix-huit poses et dix-huit costumes différents. Cet homme, aussitôt, était devenu l’ami des deux chanteuses, et Dosia, venant chez Lucie, s’accompagnait toujours de ce collègue nouveau. Décidément, il était très drôle, amusant au possible. Dans une figure vieillotte, ridée, complètement glabre, deux petits yeux clairs sous des arcades sans sourcils. Ces yeux s’écarquillaient en folles grimaces sur un nez aplati, souligné d’une bouche énorme sans cesse remuante. Point d’âge, peut-être point de sexe. C’était dans la chambre de Lucie, un esclaffement continu des deux femmes, lorsque Cretson, se promenant de long en large, allant du lit au canapé, agitant ses jambes moulées en un pantalon mauve, sautillant, lâchait un flot de paroles. Il jacassait de tout, il déballait une érudition