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minutieux. Les hardes furent pendues dans les placards, les objets de toilette disposés en ordre ; les chaises, les fauteuils, débarrassés du fouillis qui les encombrait, luirent d’une propreté soigneusement entretenue. Dans les panneaux, Lucie accrocha des lithographies, figurant des sujets militaires. Elle fixa aux murs, près la glace, une double rangée de râteliers à pipes et, sur la cheminée, entre la pendule et les candélabres, elle posa, en des cadres dorés, la photographie de son amant et la sienne. Au centre du guéridon, le palissandre d’un porte-cigares à musique rutilait entouré de cartes et de livres ; la muraille, au dessus du canapé, était couverte par une panoplie : deux sabres, des révolvers, des armes d’Orient. Et Lucie cherchait à tout enodorer, en répandant des fleurs à profusion. Chaque jour de marché, dès le matin, elle allait sur la place du Théâtre. Là, elle choisissait longuement des bottes de roses ou d’œillets sous les regards amoureux de Charles, qui prenait l’absinthe au seuil d’un café.

Elle-même s’attachait davantage à cet amour. L’officier était désiré par toutes les femmes et la fille vaniteuse s’apeurait au soupçon que Charles la pourrait un jour quitter. Des ruses savamment inventées, d’assidues prévenances, avaient pour but de le retenir aimant et soumis. Vite elle avait compris que l’officier ne saurait avoir