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Mais bientôt des officiers, des messieurs, vinrent payer du champagne aux artistes. On s’épancha en élégantes flatteries ; on sollicita tout bas la permission de reconduire ces dames. Puis les derniers complets défilèrent dans un galop. Ils étaient remplis d’allusions, de coups d’œil, de sourires encourageants, auxquels les michés interpellés répondaient par d’autres sourires, d’autres œillades.

Aux demandes des hommes, Lucie d’abord n’opposa point un refus formel. En elle, des désirs se réveillaient. Mais le souvenir de sa maladie, les défenses du médecin la hantèrent. L’idée d’un nouveau séjour à l’hôpital, la terrifiait ; et, avec effroi surtout, elle se voyait forcée encore, en sortant, à travailler dans un atelier pieux… Oh ! pour rien au monde, elle ne reprendrait cette vilaine existence.

Au dehors, le bal finissait. Les danseurs en transpiration, envahissaient le café, traînant derrière eux des filles dépeignées. Tous se mirent à boire des chopes goulûment.

Et le concert s’acheva. Le piano fut refermé. Les chanteuses s’allèrent dévêtir.

Quand elles revinrent, des officiers restaient encore dans une attente. Sur le piano le cornac érigeait des piles de décimes et Madame Bronier, oublieuse de sa mimique sentimentale, surveillait l’encaissement des fonds. Elle comptait la