leurs ongles violacés, des jeunes filles, toutes habillées de noir, toutes coiffées de chapeaux bleu-ciel. Des militaires venaient s’adosser aux arbres, les pouces dans le ceinturon. Et, sur chacun, le directeur lançait un mot drôle qui tordait les deux chanteuses. Lorsque le nombre des consommateurs lui parut suffisant, il s’assit au piano, tapota pour allumer le public. Ses notes dominaient le bruit éloigné de la foule.
Mais, par degrés, le son des voix devenait plus fort mêlé aux tyroliennes hurlées par les voyous.
Les clients désertaient les Promenades, envahissaient en masse le jardin par toutes les portes.
Maintenant, les garçons couraient ahuris, portant des chaises, épanchant la mousse des chopes dans les cases de leurs corbeilles. Pressés de répondre aux appels incessants, ils rendaient vite la monnaie, fouillaient dans leurs poches en retenant les pièces blanches entre leurs dents. Les gloriettes étaient emplies et Lucie voyait les couples amoureux se serrer volontiers pour faire place aux arrivants nouveaux.
Sur un arbre le patron cloua un avis : « On est prié de faire silence quand on chante. »
Lucie souriait. Cette nouveauté la charmait ; elle trouvait tout très drôle.
Mais Dosia qui était restée auprès d’elle courut vers un bosquet. Et la fille, restée seule, sentit comme une tristesse. Ainsi la chose était