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qu’elle imaginait bleues, rouges, vertes, très décolletées ; et, si on lui donnait des peignoirs de gaze, ils lui siéraient parfaitement, car elle avait la peau fort blanche.

Elle s’oublia en une minutieuse analyse de ses beautés corporelles et, ayant pensé aux costumes qui lui conviendraient le mieux, les magasins l’intéressèrent. Puis elle se mit à considérer les passants ; des dames marchandant au seuil des boutiques, des hommes graves, portant sous le bras des serviettes en cuir. En elle-même, furent critiquées leurs allures, impitoyablement. Aux rampes des balcons, des jeunes gens s’étayaient, fumant. L’idée qu’ils seraient ses clients ramena la fille à l’appréhension de son nouveau métier, la fit se désoler encore, se reprocher, ainsi qu’une faute, l’instant de distraction qu’elle venait de prendre. Cependant, il lui était bien permis s’éjouir un peu ; bientôt, elle allait être prisonnière pour un long temps.

Le monsieur s’était approché : il se serrait à elle, érotique. Lucie se recula, mimant une moue froissée. Vraiment il la dégoutait, cet homme ; il n’était même pas convenable, devant le monde ! Sévèrement, elle le toisa ; mais la mine enflammée du vieux mâle lui parut très grotesque, et elle dut se tourner au carreau, afin qu’il ne la vît pas s’égayer : pour un empire, elle n’aurait voulu l’encourager ! Bon plus tard, ce