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femmes y déposèrent les morceaux qu’elles devaient chanter.

Ainsi c’était là, pensait Lucie, que son sort se déciderait. Bah ! ça n’avait pas l’air fort riche ; les gens qui fréquentaient ça, ne devaient pas être difficiles. Et puis, tant pis, elle verrait bien.

Elle suivit Dosia sous les gloriettes qui encadraient le jardin en demi-cercle ; puis, assise, près elle, se renseignait craintivement. Mais, au milieu d’une phrase :

— Tiens v’là le cornac.

Un petit brun, tanguant sur deux jambes torses, s’avançait suivi d’une femme maigre.

— Est-ce qu’il chante aussi ce paquet d’os ? demanda Lucie.

— Mais je te crois, répondit Dosia, et du sentiment donc ?

Dans l’allée le couple se sépara. La femme entra au café, le mari souriant, s’approcha aux chanteuses.

— Bonjour les poulettes, et il ricana de tout le corps en une contorsion aimable.

Il ouvrit le piano et disposa la musique.

Des gens entraient : un homme gros, cachant sa figure derrière l’énorme chapeau d’un enfant qu’il portait au bras ; des femmes affichant leur sollicitude maternelle, tirant leurs bébés, soutenant des grappes de jouets ; des ouvriers en redingotes luisantes, tambourinant sur les tables de