Page:Chair molle.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’obtenir la croix d’or, promise par la dame patronnesse, pour sa dixième communion. Mais ce qui lui faisait redouter tous les tourments de l’enfer, c’est qu’elle avait encore pensé à Léa. Elle avait même été du côté de la rue Pépin pour la revoir. Heureusement, une ouvrière de l’Œuvre l’avait rencontrée et conduite jusqu’à l’atelier… Jamais elle ne pourrait recevoir l’absolution, samedi ; et, cependant, c’était dimanche, après la messe de communion, qu’on devait lui donner le bijou. Elle était bien malheureuse, inexorablement poursuivie par le Tentateur. Elle ne pouvait réussir en rien. Elle serait damnée.

On récitait les litanies de la Vierge, et la voix des femmes montait en un concert d’éloges.

Sans cesse revenait à Lucie le souvenir d’un sermon prononcé, la veille, sur les peines éternelles. Et la peinture épouvantable que le prédicateur avait faite de ces châtiments venait l’effrayer, augmenter le désespoir d’avoir perdu le bijou promis.

Ses yeux se mouillaient. Elle les gardait obstinément fixés vers le plafond blanc dans une craintive attente de le voir s’entrouvrir pour une apparition de la Madone courroucée. Et elle répétait, larmoyante : « Priez pour nous, priez pour nous ! »

Il lui semblait que chaque qualité de la Vierge