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petit poème est celle où l’infortuné Yakcha fait au nuage le portrait de son épouse délaissée, et lui dépeint la situation de son ame : on croiroit lire une des plus belles héroïdes d’Ovide.

Non content de lui avoir donné le moyen de reconnoître Alakâ, il entre dans quelques détails particuliers pour lui désigner d’une manière précise l’emplacement de l’habitation de sa bien-aimée. C’est un petit bois formé des arbustes les plus rares[1] ; près de son palais est une fontaine dont les degrés sont revêtus d’émeraudes ; en face, s’élève une colonne d’or sur une base de cristal… &c. Tels sont, ajoute-t-il, les principaux signes où tu reconnoîtras ma demeure. Mais, de grâce, quand tu en approcheras, garde-toi de conserver cette taille gigantesque, semblable à celle d’un éléphant furieux, de peur d’effrayer ma bien-aimée : apparois-lui, au contraire, sous une forme légère et déliée, et ne conserve de tes éclairs que des lueurs douces et gracieuses, semblables à ces étincelles fugitives dont, pendant les nuits d’automne,

  1. Nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer ici un trait charmant de délicatesse de la part du poète. Parmi les arbres que le jeune Yakcha nomme au nuage, il y en a deux, le késara et l’asoka, qui fleurissent, dit-on, à l’approche et au toucher d’une femme ; et l’exilé, par un sentiment de jalousie, les lui dépeint comme des rivaux dont il envie le bonheur.