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De voir des échevins que la Râpée honore
Asseoir sur un char radieux
Ces héros que jadis sur les bancs des galères
Assit un arrêt outrageant,
Et qui n’ont égorgé que très peu de nos frères
Et volé que très peu d’argent !
Eh bien, que tardez-vous, harmonieux Orphées ?
Si sur la tombe des Persans
Jadis Pindare, Eschyle, ont dressé des trophées,
Il faut de plus nobles accents.
Quarante meurtriers, chéris de Robespierre,
Vont s’élever sur nos autels.
Beaux-arts, qui faites vivre et la toile et la pierre,
Hâtez-vous, rendez immortels
Le grand Collot d’Herbois, ses clients helvétiques,
Ce front que donne à des héros
La vertu, la taverne et le secours des piques.
Peuplez le ciel d’astres nouveaux,
Ô vous, enfants d’Eudoxe et d’Hipparque et d’Euclide,
C’est par vous que les blonds cheveux
Qui tombèrent du front d’une reine timide
Sont tressés en célestes feux ;
Par vous l’heureux vaisseau des premiers Argonautes
Flotte encor dans l’azur des airs.
Faites gémir Atlas sous de plus nobles hôtes,
Comme eux dominateurs des mers.
Que la nuit de leurs noms embellisse ses voiles.
Et que le nocher aux abois
Invoque en leur galère, ornement des étoiles,
Les Suisses de Collot d’Herbois.

(Journal de Paris, 15 avril 1792.)


II


Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort.
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.