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Nous savons répéter quelques plaintes de femme ;
Mais le fer pèserait à nos débiles mains.

Non, tu ne pensais pas qu’aux mânes de la France
Un seul traître immolé suffit à sa vengeance,
Ou tirât du chaos ses débris dispersés.
Tu voulais, enflammant les courages timides,
Réveiller les poignards sur tous ces parricides,
De rapine, de sang, d’infamie engraissés.

Un scélérat de moins rampe dans cette fange.
La Vertu t’applaudit ; de sa mâle louange
Entends, belle héroïne, entends l’auguste voix.
Ô Vertu, le poignard, seul espoir de la terre,
Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre
Laisse régner le crime et te vend à ses lois.



III

LA JEUNE CAPTIVE


« L’épi naissant mûrit de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l’été
Boit les doux présents de l’aurore ;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui.
Quoi que l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.

« Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort.
Moi je pleure et j’espère ; au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
S’il est des jours amers, il en est de si doux !
Hélas ! quel miel jamais n’a laissé de dégoûts. ?
Quelle mer n’a point de tempête !

« L’illusion féconde habite dans mon sein.
D’une prison sur moi les murs pèsent en vain,
J’ai les ailes de l’espérance ;