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Seul, au milieu des mers, se fraye un sentier sûr,
Parmi les flots salés garde un flot doux et pur,
Invisible, d’Enna va chercher le rivage, »
Et l’amer Téthys ignore son passage.


Fragment III


Aux bords où l’on voit naître et l’Euphrate et le jour,
Plus d’obstacle et de crainte environne l’amour.
Aussi .................
....................
..Sans se pouvoir parler même des yeux,
On se parle, on se voit. Leur cœur ingénieux
Donne à tout une voix entendue et muette.
Tout de leurs doux pensers est le doux interprète.
Désirs, crainte, serments, caresse, injure, pleurs,
Leurs dons savent tout dire ; ils s’écrivent des fleurs.
Par la tulipe ardente une flamme est jurée ;
L’amarante immortelle atteste sa durée ;
L’œillet gronde une belle ; un lis vient l’apaiser.
L’iris est un soupir ; la rose est un baiser.
C’est ainsi chaque jour qu’une sultane heureuse
Lit en bouquet la lettre odorante, amoureuse.
Elle parc son sein de soupirs et de vœux ;
Et des billets d’amour embaument ses cheveux.



V

LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES


Fragment


Il n’est que d’être roi pour être heureux au monde.
Bénis soient tes décrets, ô sagesse profonde !
Qui me voulus heureux, et, prodigue envers moi,
M’as fait dans mon asile et mon maître et mon roi.
Mon Louvre est sous le toit, sur ma tête il s’abaisse ;
De ses premiers regards l’orient le caresse.