Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/99

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des citoyens plus grands que les autres Gouffres usurpateurs qui dépeuplent, affament, engloutissent un État… Comme dans des forêts plantées de diverses sortes d’arbres, les chênes sucent la substance des arbrisseaux, les affament, les engloutissent, et sur leur ruine élèvent jusqu’au ciel d’ambitieux rameaux usurpateurs.


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Chassez de vos autels, juges vains et frivoles,
Ces héros conquérants, meurtrières idoles ;
Tous ces grands noms, enfants des crimes, des malheurs,
De massacres fumants, teints de sang et de pleurs.
Venez tomber aux pieds de plus nobles images :
Voyez ces hommes saints, ces sublimes courages,
Héros dont les vertus, les travaux bienfaisants.
Ont éclairé la terre et mérité l’encens ;
Qui, dépouillés d’eux-même et vivant pour leurs frères.
Les ont soumis au frein des règles salutaires.
Au joug de leur bonheur ; les ont faits citoyens ;
En leur donnant des lois leur ont donné des biens.
Des forces, des parents, la liberté, la vie ;
Enfin qui d’un pays ont fait une patrie.
Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d’affronts insensés, de mépris odieux.
Accueilli les bienfaits de ces illustres guides,
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides
Dont la dent méfiante ose outrager la main
Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim !
Mais n’importe ; un grand homme au milieu des supplices
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait : les humains sont injustes, ingrats.