Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

… Toi, arbre ou fleuve, réponds, pourquoi fais-tu ceci et cela ? — Je le fais pour… Et toi telle autre chose, pourquoi ? — Je le fais pour… Cette qualité que je prodigue, je la tiens de telle chose, je la dispense à telle autre qui la communiquera à telle autre, etc.


Et si le bien existe il doit seul exister.


Ces atomes de vie, ces semences premières sont toujours en égale quantité sur la terre et toujours en mouvement. Ils passent de corps en corps, n’alambiquent, s’élaborent, se travaillent, fermentent, se subtilisent dans leur rapport avec le vase où ils sont actuellement contenus. Ils entrent dans un végétal, ils en sont la sève, la force, les sucs nourriciers. Ce végétal est mangé par quelque animal, alors ils se transforment en sang et en cette substance qui produira un autre animal et qui fait vivre les espèces, ou dans un chêne ce qu’il y a de plus subtil se rassemble dans le gland.

Ainsi, jeune et tendre nourrisson, ta mère même en prenant sa nourriture, ne mange que pour toi, ne consulte que toi.


Et des sucs d’une table innocente et choisie,
Amasse dans son sein les dépôts de ta vie.


Quand la terre forma les espèces animales, plusieurs périrent par plusieurs causes à développer. Alors d’autres corps organisés (car les organes vivants secrets meuvent les végétaux, minéraux[1] et tout) héritèrent de la

  1. « J’entends par matière vive, non-seulement tous les êtres qui vivent ou végètent, mais encore toutes les molécules organiques vivantes dispersées ou répandues dans les détriments ou résidus des corps organisés : je comprends encore dans la matière vive celle de la lumière, du feu, de la chaleur, en un mot toute matière qui nous parait être active par elle-même. » Buffon, Introduction à l’histoire des minéraux.