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TROISIÈME CHANT Γ.

Les sociétés. Politique, morale. Invention des sciences… Système du monde[1].



PREMIER CHANT.

Il faut magnifiquement représenter la terre sous l’emblème métaphorique d’un grand animal qui vit, se meut, est sujet à des changements, des révolutions, des lièvres, des dérangements dans la circulation de son sang.

La terre est éternellement en mouvement. Chaque chose nait, meurt, se dissout. Cette particule de terre a été du fumier ; elle devient un trône et qui plus est un roi. Le monde est une branloire perpétuelle, dit Montaigne[2] (à cette occasion, les conquérants, les bouleversements successifs des invasions et des conquêtes, d’ici, de là…) Les hommes ne font attention à ce roulis perpétuel que quand ils en sont les victimes. Il est pourtant toujours… L’homme ne juge les choses que dans le rapport qu’elles ont avec lui. Affecté d’une telle manière, il appelle un accident un bien. Affecté de telle autre manière, il l’appelera un mal. La chose est pourtant la même et rien n’a changé que lui.

Chaque chose a dans soi ses ressorts. Les autres choses la frappent au dehors. Ces qualités unies la font être, et, pour la bien connaître, il faut les connaître ensemble et voir ce qu’elle est et quel rang elle a dans l’univers.


Chaque effet d’une cause
D’un autre effet lui-même est la cause puissante.
Rien n’est fait pour soi seul…

  1. M. Becq de Fouquières croit à un quatrième chant, dont tous les éléments auraient été transportés dans le poème de l’Amérique.
  2. Essais, liv. III, chap. ii.