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palais. De son front chargé de cent couronnes, il frappera les murs de son palais dominateur du monde ;


… et d’une voix de sanglots étouffée
Il s’écriera : — Varus, rends-moi mes légions[1] ?


Chaque nuit il verra l’ombre de Varus… le champ de bataille tout blanchi d’ossements… les marais roulant les cadavres… la statue d’Odin entourée d’aigles et de drapeaux romains… Alors il se réveillera en sur saut, tout trempé de sueur, tout tremblant d’effroi… car il aura entendu nos chants terribles comme la tempête :

À son esprit le songe aux ailes noires
Aura porté la voix du fier Germain
Qui chantait au dieu des victoires :
Bois, Odin, c’est du sang romain.


Allez dans ces forêts d’Allemagne, sous les ordres du grand Germanicus, venger vos pertes.


Et ravir aux affronts des féroces Germains
Les aigles que Varus a laissés dans leurs mains.


II[2]

ALEXANDRE VI.


Ses enfants ! Les chrétiens ne sont plus sa famille !
Quoi ! l’Église de Dieu n’est plus sa seule fille !

  1. Variante :

    Il s’écriera : — Varus, où sont mes légions ?
  2. Cette tirade et le morceau suivant sont marqués du signe θεσπιακ. αἰσχ. c’est-à-dire destinés à figurer dans une composition tragique.