Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il y a au monde de plus futile et de plus étranger à l’esprit et à la perfection de l’art. Ceux qu’on appelait, il y a soixante ans, des peintres de portraits, étaient, à très-peu d’exceptions près, de véritables charlatans qui ne savaient qu’étourdir les yeux par des attitudes forcées, et, pour ainsi dire, emphatiques ; par des figures raides, sans grâce, sans naturel, perdues dans un amas d’ornements sans goût et dans des draperies immenses, dont aucune raison ne déterminait les plis vastes et confus.

Que si l’on dit que cette manière n’est pas de l’essence des portraits et que rien n’empêche de les peindre avec vérité, je réponds qu’alors la distinction ne signifie plus rien, puisqu’elle se réduit à dire qu’un peintre est peintre de portraits, lorsqu’il peint des portraits ; car la vérité, la simplicité, la naïveté ne sont pas autres pour un peintre de portraits que pour un peintre d’histoire. Elles sont l’essence de tous les tableaux où il entre des figures ; et même comme les peintres qui traitent des sujets historiques sont obligés de faire agir plusieurs figures ensemble, et que leur succès par conséquent dépend d’une justesse d’expression qui ne laisse rien de gêné, de vague ni d’incohérent dans leur ouvrage, il est clair que plus ils ont réussi dans ce genre, plus ils doivent être exercés à saisir sur la nature vivante ces traits presque imperceptibles qui rendent un portrait parfait.

Et c’est ce qui est confirmé par les exemples. Quelque opinion qu’on puisse avoir du style historique des peintres flamands, toujours est-il vrai que Rubens et Van Dyck, son élève, qui ont fait de si beaux por-