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II[1]

 
Voûtes du Panthéon, quel mort illustre et rare
S’ouvre vos dômes glorieux ?
Pourquoi vois-je David qui larmoie, et prépare
Sa palette qui fait des Dieux ?
Ô ciel ! faut-il le croire ! ô destins ! ô fortune !
Ô cercueil arrosé de pleurs !
Oh ! que ne puis-je ouïr Barère à la tribune,
Gros de pathos et de douleurs !
Quelle nouvelle en France et quel canon d’alarmes
Dans tous les cœurs a retenti !
Les fils des Jacobins leur adressent des larmes.
Brissot, qui jamais n’a menti,
Dit avoir vu dans l’air d’exhalaisons impures
Un noir nuage tournoyer,
Du sang, et de la fange, et toutes les ordures
Dont se forme un épais bourbier ;
Et soutient que c’était la sale et vilaine âme
Par qui Marat avait vécu.
De ses jours florissants, par la main d’une femme,
Ce lien aimable est rompu !
Le Calvados en rit. Mais la potence pleure.
Déjà par un fer meurtrier
Pelletier fut placé dans l’auguste demeure.
Marat vaut mieux que Pelletier.

  1. Édition de G. de Chénier, À propos de la translation du corps de Marat au Panthéon.