Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La vertu seule est libre. Honneur de notre histoire,
Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire,
Seule, tu fus un homme, et vengeas les humains !
Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme,
Nous savons répéter quelques plaintes de femme ;
Mais le fer pèserait à nos débiles mains.

Non, tu ne pensais pas qu’aux mânes de la France
Un seul traître immolé suffit à sa vengeance,
Ou tirât du chaos ses débris dispersés.
Tu voulais, enflammant les courages timides,
Réveiller les poignards sur tous ces parricides,
De rapine, de sang, d’infamie engraissés[1].

Un scélérat de moins rampe dans cette fange.
La Vertu t’applaudit ; de sa mâle louange
Entends, belle héroïne, entends l’auguste voix.
Ô vertu, le poignard, seul espoir de la terre,
Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre
Laisse régner le crime, et te vend à ses lois !


XI[2]

 

STROPHE PREMIÈRE


Ô mon esprit, au sein des cieux,
Loin de tes noirs chagrins une ardente allégresse

  1. Strophe omise jusqu’ici par les éditeurs et relevée par M. Becq de Fouquières sur le texte fac-similé du manuscrit publié dans l’infographie des grands hommes (deuxième édition).
  2. Édition 1819.