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Son cœur pleure en secret frappé,
Quand sa bouche feint de sourire.
Il fuit ; et jusqu’au jour de son trouble occupé,
Absente, il ose au moins lui dire :

« Fanny, belle adorée aux yeux doux et sereins,
Heureux qui n’ayant d’autre envie
Que de vous voir, vous plaire et vous donner sa vie,
Oublié de tous les humains,
Près d’aller rejoindre ses pères,
Vous dira, vous pressant de ses mourantes mains :
Crois-tu qu’il soit des cœurs sincères ? »


V[1]


Fanny, l’heureux mortel qui près de toi respire
Sait, à te voir parler et rougir et sourire,
De quels hôtes divins le ciel est habité.
La grâce, la candeur, la naïve innocence
Ont, depuis ton enfance,
De tout ce qui peut plaire enrichi ta beauté.

Sur tes traits, ou ton âme imprime sa noblesse,
Elles ont su mêler aux roses de jeunesse
Ces roses de pudeur, charmes plus séduisants ;
Et remplir tes regards, tes lèvres, ton langage,
De ce miel dont le sage
Cherche lui-même en vain à défendre ses sens.

  1. Édition 1819.