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Si Tibulle et Vénus le couronnent de rose,
Ou si dans les déserts que le Permesse arrose,
Du vulgaire troupeau prompt à se séparer,
Aux sources de Pindare ardent à s’enivrer,
Sa lyre fait entendre aux nymphes de la Seine
Les sons audacieux de la lyre Thébaine ;
Que toujours à m’écrire il est lent à mon gré ;
Que, de mon cher Brazais pour un temps séparé,
Les ruisseaux et les bois et Vénus, et l’étude
Adoucissent un peu ma triste solitude.
Oui ! les cieux avec joie ont embelli ces champs.
Mais, Le Brun, dans l’effroi que respirent les camps,
Où les foudres guerriers étonnent mon oreille,
Où loin avant Phoebus Bellone me réveille,
Puis-je adorer encore et Vertumne et Pales ?
Il faut un cœur paisible à ces dieux de la paix.


III[1]

AU MÊME


 
Ami, chez nos Français ma muse voudrait plaire ;
Mais j’ai fui la satire à leurs regards si chère.
Le superbe lecteur, toujours content de lui,
Et toujours plus content s’il peut rire d’autrui,
Veut qu’un nom imprévu, dont l’aspect le déride,
Égayé au bout du vers une rime perfide ;

  1. Édition 1819.