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Vole aux bords fortunés où les champs d’Élysée
De la ville des lis ont couronné l’entrée ;
Aux lieux où sur l’airain Louis, ressuscité,
Contemple de Henri le séjour respecté,
Et des jardins royaux l’enceinte spacieuse.
Abandonne la rive où la Seine amoureuse,
Lente, et comme à regret quittant ces bords chéris,
Du vieux palais des rois baigne les murs flétris[1],
Et des fils de Condé les superbes portiques[2].
Suie ces fameux remparts et ces berceaux antiques
Où, tant qu’un beau soleil éclaire de beaux jours,
Mille chars élégants promènent les amours.
Un Paris tout nouveau sur les plaines voisines
S’étend, et porte au loin, jusqu’au pied des collines,
Un long et riche amas de temples, de palais,
D’ombrages où l’été ne pénètre jamais[3] :
C’est là son Hélicon. Là, ta course fidèle
Le trouvera peut-être aux genoux d’une belle.
S’il est ainsi, respecte un moment précieux :
Sinon, tu peux entrer ; tu verras dans ses yeux,
Dès qu’il aura connu que c’est moi qui t’envoie,
Sourire l’indulgence et peut-être la joie.
Souhaite-lui d’abord la paix, la liberté,
Les plaisirs, l’abondance, et surtout la santé.
Puis apprends, si toujours ami de la nature,
Il s’en tient comme nous aux bosquets d’Épicure ;
S’il a de ses amis gardé le souvenir.
Quelle muse à présent occupe son loisir.

  1. Le Brun était alors logé au Louvre. (Voir ses Odes, l. IV, od. ii.)
  2. Le Brun était né à l’hôtel de Conti.
  3. Passy.