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Un front riant et libre aux jeux de Polycrate.

À Rome, il est trop vrai, de sublimes talents
Au second des Césars prodiguèrent l’encens ;
Mais Auguste à leurs yeux fit oublier Octave.
Tous furent ses amis, nul ne fut son esclave.
Horace près de lui d’un emploi fructueux
Sut refuser la pompe et le joug fastueux ;
Virgile sans regret, loin des palais du Tibre,
Se choisit, près de Naple, une retraite libre.
Beaux lieux ! que de ses feux encor dissimulés
Le Vésuve en fureur n’avait point désolés !
Mais attachés aux grands par un lien crédule.
Combien tous deux, pourtant, sont loin de mon Tibulle !
Il ignore les cours ; l’amour et l’amitié
De son cœur, de ses vers, occupent la moitié.
Messala, Némésis et Néère, et Délie,
Sont les rois, sont les dieux qui gouvernent sa vie.
Riche, il jouit sans faste, et non pour éblouir ;
De la pauvreté même il sait encor jouir.
Sans regretter cet or, ni ces vastes richesses,
Ni de ces longs arpents les fécondes largesses,
Auprès de son foyer la molle oisiveté
Endort dans les plaisirs sa douce pauvreté.
Vrai sage, non, jamais tu n’as pu te résoudre
D’aller au Capitole et d’adorer la foudre.
Les césars, ni les dieux n’ont de foudre pour toi.
Sur un lit amoureux, doux témoin de ta foi.
Tu te ris de l’orage et des vents en furie,
Et presses sur ton sein le sein de ton amie.
Seule, de ta carrière elle embellit le cours ;