Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hardiment ce beau titre à celui qui n’est rien que poète comme lui. Que Phœbus en ait fait un grand poète, j’y consens ; mais est-il…


CHANT DEUXIÈME


D’où vient que les poètes… et que, les montrant aux passants, d’enfants malins un nombreux cortège


Partout d’un doigt railleur le poursuit et l’assiège…


C’est dommage, peut-on rien voir de plus complaisant ? Un Midas, une fille l’a toujours à ses ordres pour amuser son souper…


D’imbéciles valets, peuple singe du maître,
L’amènent en riant dès qu’il vient à paraître.
Des plus larges festins dévastateur ardent,
Il s’assied, et le vin au délire impudent
Lui dicte un long amas d’équivoques obscènes ;
Puis, d’un proverbe impur ajustant quelques scènes,
Il court, saute, s’agite, en son accès bouffon,
Mieux que n’eût fait un singe élève du bâton ;
Mais désormais à peine il suffit à sa gloire.
On se l’arrache. Il court de victoire en victoire.
Chacun de ses refrains fait des recueils fort beaux ;
Il attache une tête aux bouts rimes nouveaux,
Aux droits litigieux de plusieurs synonymes
Il sait même assigner leurs bornes légitimes.
Bientôt chez tous les sots on sait de toute part
Jusqu’où vont ses talents ; que lui seul avec art
ISoue une obscure énigme au regard louche et fade ;