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Descendons, sous nos pas la nuit couvre les plaines.
De mes cygnes fumants je détache les rênes ;
Demain même trajet s’ouvre devant mes yeux ;
Mon char avec le jour regagnera les cieux[1].


CHANT TROISIÈME


....................
C’est l’amour qui, trompant la sombre vigilance,
Sait donner devant elle une voix au silence.


Une jeune beauté par lui seul affermie,
Quand la troupe aux cent yeux est enfin endormie.
De son lit qui pleurait l’absent trop attendu
Fuit, se glisse, et d’un pied muet et suspendu,
Au jeune impatient va, d’aise palpitante,
Ouvrir enfin la porte amie et confidente ;
Et sa main, devant elle, interroge sans bruit
Et sa route peureuse et les murs et la nuit[2].

....................
Il apprend aux soupirs à s’exhaler à peine ;
Il instruit, près des murs qui pourraient vous ouïr,
Vos baisers à se taire et ne vous point trahir.


  1. M. G. de Chénier a placé ces derniers vers parmi les fragments d’élégie. Nous croyons, comme M. Becq de Fouquières, qu’ils étaient plutôt destinés à terminer un deuxième chant de l’Art d’aimer. Il en faudrait conclure qu’à un certain moment André Chénier songea à faire quatre chants de l’Art d’aimer.
  2. Tibulle, II, i, 77.