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hospitalier, paies, défaits, et s’écrieraient : Ô Jupiter hospitalier !

Quel feu, quel profond pathétique Eschyle ou Sophocle… il faut tâcher de faire un morceau dans ce genre.


La belle réponse que Sylla fit à Crassus en l’envoyant lever des troupes au pays des Marses ! Crassus lui demandait des gardes, parce que le pays était plein d’ennemis. Sylla lui dit : Je te donne pour gardes ton père, ton frère, tes parents, tes amis indignement massacrés[1].

Les histoires anciennes, écrites par des hommes si éloquents, fourmillent de peintures grandes et pathétiques et que l’on peut transporter à d’autres personnages. Je ne lis point sans frémir celle de Vibius Serenus, accusé par son fils, et celle de Sabinus au IVe livre des Annales. Pline rapporte une histoire intéressante du chien d’un esclave de ce Sabinus dont je ferai usage. Les héros d’Ossian marchent souvent accompagnés de leurs chiens. Le chien d’Ulysse est divin dans Homère ; et il n’y a que des hommes dépourvus de sensibilité et d’entrailles qui aient pu en être choqués. — Voici les paroles de Pline, livre VIII, ch. 40.

In nostro aevo actis populi Romani testatum… cum animadverteretur… in Titium Sabinum et servitia ejus, unius ex his canem nec a carcere abigi potuisse, nec a corpore recessisse abjecti in gradibus gemitoriis, mœstos edentem ululatus magnà populi romani coronà : ex qua cum quidam ei cibum objecisset, ad os defuncti tulisse… innatavit idem cadaver in Tiberim abjecti sustentare conatus effusà multitudine ad spectandum animalis fidem.

Même quand nous traçons des tableaux et des caractères modernes, c’est d’Homère, de Virgile, de Plutarque, de

  1. Plutarque, Vie de Marcus Crassus, ch. ix.