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seul au monde. Il n’est plus personne sur la terre avec qui je puisse parler de ce que nous avons vu autrefois. Rappeler à quels jeux nous jouions dans notre enfance. Nos premières amours, et disputer quelle maîtresse était la plus belle. Ceux qui sont vieux aujourd’hui, quand ils étaient jeunes, m’ont vu déjà vieux. La vieillesse est à charge aux jeunes gens… Ils me fuyaient alors, ils m’évitaient. Ils me fuient, ils m’évitent encore comme s’ils étaient restés jeunes et que je fusse vieux tout seul. Les jeunes gens me haïssent… — Vieillard, ne nous fais point ce reproche ; nous aimons, nous respectons tous ta vieillesse vertueuse.

Le vieillard dira : Æquam memento rebus[1]


Gardons, gardons toujours, nous qui devons mourir,
Une âme égale et ferme..........
Dans les biens, dans les maux que le ciel nous envoie
Entre la paisible… et l’insolente joie.

Horat.[2]


Il faut peindre avec des couleurs vraies et naïves un Espagnol ou autre, comme l’Hercule des anciens, principalement dans l’Alceste d’Euripide, grand, féroce, généreux, terrible, gros mangeur, etc.


Ainsi le paysan inscius s’assied sur un serpent roulé sur lui-même et qu’il prend pour un tronc d’arbre[3].


Ainsi le voyageur fatigué s’assied et se repose sous un mancenillier, ombrage vénéneux… Saisi d’un froid mortel,

  1. Arduis servare mentem
  2. Liv. II, ode 3.
  3. Cette anecdote est tirée de l’ouvrage de T. t. Smith, le Cabinet du jeune naturaliste. (G. de Chénier).