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vapeurs et exhalaisons de la terre. Cela est épique et fournit de grandes images.

Il n’est qu’un Dieu suprême, créateur et conservateur éternel… Les âmes des héros, des anges… sont dieux après lui. Les hommes aujourd’hui ne leur donnent pas ce nom. Mais la poésie est indépendante et libre ; elle abonde en un langage hardi et nouveau ; et sa belle bouche ne se condamne pas à répéter servilement les expressions des hommes…

Il faut, dans cet ouvrage, que chaque nation ait son Dieu, comme de raison. Mais le poète les admettra tous. Il peindra les cérémonies de toutes les religions avec une indifférence et une égalité parfaites. Quand il aura peint un idolâtre faisant une prière, il ajoutera : Il pria ainsi et son Dieu l’entendit du haut du ciel.

J’éviterai de revenir sur les choses que j’aurai prouvées in Δ[1]. Ainsi, ayant tâché d’établir le système du nord et du refroidissement de la terre dans ce dernier ouvrage, je n’en parlerai i Amer[2] que comme d’une chose convenue. Je dirai en parlant des dents d’éléphant trouvées au Canada et à Kentucke : Ce sont les dépouilles des éléphants qui vivaient dans ces contrées quand elles étaient plus chaudes.

Il faudra mettre dans la bouche de quelqu’un la sublime invocation qui ouvre le Paradis perdu… Esprit Saint, soit que tu erres sur les sommets d’Oreb ou de Sina, etc. et imiter beaucoup de morceaux de ce grand Milton.

Un jeune héros-poète dira que dans sa jeunesse il ne chantait que les amours ; mais que depuis, sa muse est devenue guerrière, qu’elle aime à se jeter l’épée à la main dans la mêlée, et qu’elle ne craint plus d’entendre les épées qui se croisent, les tambours, les canons, les hennissements des chevaux et les cris guerriers des sauvages.

Alonzo d’Ercilla[3] est le Phemius[4] de l’Amérique. Pen-

  1. C’est-à-dire dans l’Hermès.
  2. Dans le poème de l’Amérique.
  3. L’auteur de l’Araucaria.
  4. Φήμιος dans Homère, Odyss liv. I, v. 325, 327, liv. XVII, V. 263, et liv. XXII, v. 331.