Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 2.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voltigent dans son cerveau. Tout à coup il se réveille, il veut les rattraper ; mais ils ont disparu sans laisser aucune trace. Il les cherche, les cherche, les poursuit ; mais il ne peut les atteindre ; et il s’endort, et elles sont perdues pour jamais[1].

Soyons lents à décider qu’une chose est impossible. Je me suis souvent occupé d’une rêverie… Si, lorsque les humains, mêlés avec les animaux et entièrement leurs égaux, rampaient et ne s’élevaient pas au-dessus de l’instinct le plus brute, si, dis-je, alors un ange, un esprit immortel était venu faire connaître à l’un d’eux que la terre où il était n’était pas une table, mais un globe qui faisait telle ou telle révolution, et, enfin, lui apprendre toutes les vérités physiques dont la nature a depuis accordé la découverte aux travaux des plus beaux génies…


Puis, s’il eût ajouté : « Tu vois tous ces secrets
Que toi-même étais né pour ne savoir jamais ;
Un jour tout ce qu’ici ma voix vient de te dire,
D’eux-mêmes, sans qu’un dieu soit venu les instruire.
Tes pareils le sauront. Tes pareils les humains
Trouveront jusque-là d’infaillibles chemins.
Ces astres que tu vois épars dans l’étendue,
Ces immenses soleils si petits à ta vue,
Ils sauront leur grandeur, leurs immuables lois.
Mesurer leur distance, et leur cours, et leur poids ;

  1. Tout ce qui concerne la politique devait être terminé par un morceau sur la paix générale ; mais avant, l’auteur devait employer le fragment qui suit, en tête duquel il a écrit entre parenthèses : Ce morceau doit être placé immédiatement avant le dernier sur la paix générale.
    (G. de Chénier.)