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Ailleurs, ce n’est plus le gracieux enfant, c’est Andromède exposée au bord des flots, qui appelle la muse d’André : il cite et transcrit les admirables vers de Manilius à ce sujet, au Ve livre des Astronomiques ; ce supplice d’où la grâce et la pudeur n’ont pas disparu, ce charmant visage confus, allant chercher une blanche épaule qui le dérobe :

Supplicia ipsa décent ; nivea cervice reclinis
MoUiter ipsa suæ custos est sola figuræ.
Defluxere sinus humeris, fugitque lacertos
Vestis, et effusi scopulis lusere capilli.
Te circum alcyones pennis planxere volantes, etc.

André remarque que c’est en racontant l’histoire d’Andromède à la troisième personne que le poète lui adresse brusquement ce vers : Te circum, etc., sans la nommer en aucune façon, « C’est tout cela, ajoute-t-il, qu’il faut imiter. Le traducteur met les alcyons volants autour de vous, infortunée princesse. Cela ôte de la grâce, » Je ne crois pas abuser du lecteur en l’initiant ainsi à la rhétorique secrète d’André[1].

Nina, ou la Folle par amour, ce touchant drame de Marsollier, fut représenté, pour la première fois, en 1786 ; André Chénier put y assister ; il dut être ému aux tendres sons de la romance de Dalayrac :

Quand le bien-aimé reviendra
— Près de sa languissante amie, etc.

  1. Il disait encore dans ce même exquis sentiment de la diction poétique : « La huitième épigramme de Théocrite est belle (Épitaphe de Cléonice) ; elle finit ainsi : Malheureux Cléonice, sous le propre coucher des Pléiades, cum Pleiadibus, occidisti. Il faut la traduire et rendre l’opposition de paroles… la mer l’a reçu avec elles (les Pléiades).