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Porté sur son imagination aux ailes de feu, il s’élance, il pénètre jusqu’aux plus secrets appas. Souvent sur les ailes de sa pensée, il vole, il s’égare… il va dans l’Orient, il perce les murs des harems… il y règne… il appelle une beauté que le Phase a fait naître la plus belle des mortelles.


Elle avance, elle hésite, elle traîne ses pas,
Grande, blanche. Sa tête, aux attraits délicats.
Est penchée. Elle rit ; mais à demi troublée,
D’un léger vêtement couverte et non voilée.
Le Gange a filé l’or qui de ses noirs cheveux
Dans un réseau de soie emprisonne les nœuds.
Golconde, à pleines mains, sur sa riche ceinture
À jeté le rubis et l’émeraude pure ;
Cercle étroit et facile où ses flancs sont pressés,
Dans leur souplesse molle avec grâce élancés.
Le diamant en feu, lumineuse merveille,
Presse son doigt de rose et pend à son oreille.
Son beau sein, éclatant de jeunesse et d’amour.
Et s’élève et repousse un précieux contour
De perles dont Ceylan voit son onde si vaine,
Et de perles encor serpente une autre chaîne
Sur ses bras nus, divins, dont les yeux sont charmés.
Qu’avec un soin d’amour la nature a formés.
Assise auprès de lui, ses yeux pleins de son âme
Nagent dans les langueurs d’une amoureuse flamme.
Et sa voix sur un luth, voluptueux accents,
Lui soupire en chanson la langue des Persans.


Voilà comme l’enfant des neuf sœurs, affamé d’amour, se livre à ses rêveries innocentes et va se chercher des amantes lointaines… et s’il rencontre une belle (le nom du com-