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LXVI[1]


Elle a pu me bannir ! imprudente et sans foi,
Aux bras d’un autre amant elle a fui loin de moi !
Il la quitte aujourd’hui. Comme elle il est volage.
Elle apprend à son tour à gémir d’un outrage,
Et sans doute en pleurant se ressouvient, hélas !
D’un qui l’aima toujours et ne l’outrageait pas.


LXVII[2]


Je dors, mais mon cœur veille ; il est toujours à toi.
Un songe aux ailes d’or te descend près de moi.
Ton cœur bat sur le mien. Sous ma main chatouilleuse
Tressaille et s’arrondit ta peau voluptueuse.
Des transports ennemis de la paix du sommeil
M’agitent tout à coup en un soudain réveil ;
Et seul, je trouve alors que ma bouche enflammée
Crut, baisant l’oreiller, baiser ta bouche aimée ;
Et que mes bras, en songe allant te caresser,
Ne pressaient que la plume en croyant te presser.

Et dormant ou veillant, moi je rêve toujours.


Le doux sommeil habite où sourit la fortune.
Pareil aux faux amis, le malheur l’importune.

  1. Éd. G. de Chénier.
  2. Éd. G. de Chénier.