Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Adieu, dans la demeure où nous nous suivrons tous,
Où ta mère déjà tourne ses yeux jaloux[1],

Ô quel dieu malfaisant, sous ses ailes funèbres,
Couvrit cette maison de deuil et de ténèbres !
Ô de quelle inquiète et palpitante main
La sœur, mère trois fois, pressa contre son sein
De ce qui lui restait la précieuse enfance,
Quand elle vit, trompant sa douce confiance,
Celle qui sans appui ne marchait point encor,
De son lit douloureux cher et dernier trésor.
Son idole et déjà son image vivante,
De santé, d’avenir, de beauté florissante,

  1. Variante :

    La chaîne des saisons dans les cieux promenée
    N’a point encor formé le cercle d’une année !
    Ô regrets ! un enfant !… inflexibles destins !
    De l’épi vert encor moissonneurs inhumains.
    Craignez-vous qu’un mortel ne dérobe sa tête ?
    Ne sommes-nous point tous votre sûre conquête ?
    L’innocente victime au terrestre séjour
    N’a vu que le printemps qui lui donna le jour.
    De son premier hiver le souffle impitoyable
    L’emporte ! Où, maintenant, est ton sourire aimable*,
    De ton front délicat la grâce et la candeur.
    Et de tes yeux d’azur la touchante langueur ?

    Autre :

    Hélas ! où, maintenant, est ton sourire aimable ?
    De ton front innocent la grâce et la douceur ?
    Et de tes yeux d’amour la touchante langueur ?
    Et tes pleurs qu’apaisait une simple caresse ?
    Et ta bouche entr’ouverte et ta vive allégresse,
    À l’approche du sein dont tes nuits et tes jours
    Ne pouvaient épuiser les utiles secours ?