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Qu’attiré sur ma tombe, où la pierre luisante
Offrira de ma fin l’image séduisante,
Le voyageur ému dise avec un soupir :
« Ainsi puissé-je vivre, et puissé-je mourir ! »


XL[1]


Eh bien ! je le voulais. J’aurais bien dû me croire !
Tant de fois à ses torts je cédai la victoire !
Je devais une fois du moins, pour la punir,
Tranquillement l’attendre et la laisser venir.
Non. Oubliant quels cris, quelle aigre impatience
Hier sut me contraindre à la fuite, au silence,
Ce matin, de mon cœur trop facile bonté !
Je veux la ramener sans blesser sa fierté ;
J’y vole ; contre moi je lui cherche une excuse.
Je viens lui pardonner, et c’est moi qu’elle accuse.
C’est moi qui suis injuste, ingrat, capricieux :
Je prends sur sa faiblesse un empire odieux.
Et sanglots et fureurs, injures menaçantes,
Et larmes, à couler toujours obéissantes ;
Et pour la paix il faut, loin d’avoir eu raison,
Confus et repentant, demander mon pardon.


XLI[2]


Tout mortel se soulage à parler de ses maux.
Le suc que d’Amérique enfantent les roseaux

  1. Éditions 1819.
  2. Éditions 1819.