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Et me tendait les bras et m’appelait près d’elle.
Les songes ne sont point capricieux et vains ;
Ils ne vont point tromper les esprits des humains
De l’Olympe souvent un songe est la réponse.
Dans tous ceux des amants, la vérité s’annonce.
Quel air suave et frais ! le beau ciel ! le beau jour !
Les Dieux me le gardaient ; il est fait pour l’amour.

Quel charme de trouver la beauté paresseuse,
De venir visiter sa couche matineuse,
De venir la surprendre, au moment que ses yeux
S’efforcent de s’ouvrir à la clarté des cieux ;
Douce dans son éclat, et fraîche, et reposée,
Semblable aux autres fleurs, filles de la rosée.
Oh ! quand j’arriverai, si, livrée aux repos,
Ses yeux n’ont point encor secoué les pavots,
Oh ! je me glisserai vers la plume indolente,
Doucement, pas à pas, et ma main caressante
Et mes fougueux transports feront à son sommeil
Succéder un subit mais un charmant réveil ;
Elle reconnaitra le mortel qui l’adore,
Et mes baisers longtemps empêcheront encore
Sur ses yeux, sur sa bouche, empressés de courir,
Sa bouche de se plaindre et ses yeux de s’ouvrir.

Mais j’entrevois enfin sa porte souhaitée.
Que de bruit ! que de chars ! quelle foule agitée !
Tous vont revoir leurs biens, leurs chimères, leur or ;
Et moi, tout mon bonheur, Camille, mon trésor.
Hier, quand malgré moi je quittai son asile,