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Viendra, sans que j’y pense, enrichir mon réveil.
Toi, qu’aidé de l’aimant plus sûr que les étoiles
Le nocher sur la mer poursuit à pleines voiles ;
Qui sais de ton palais, d’esclaves abondant,
De diamants, d’azur, d’émeraudes ardent,
Aux gouffres du Potose, aux antres de Golconde.
Tenir les rênes d’or qui gouvernent le monde,
Brillante déité ! tes riches favoris
Te fatiguent sans cesse et de vœux et de cris :
Peu satisfait le pauvre. Ô belle souveraine !
Peu ; seulement assez pour que, libre de chaîne,
Sur les bords où, malgré ses rides, ses revers,
Belle encor l’Italie attire l’univers,
Je puisse au sein des arts vivre et mourir tranquille !
C’est là que mes désirs m’ont promis un asile ;
C’est là qu’un plus beau ciel peut-être dans mes flancs
Éteindra les douleurs et les sables brûlants.
Là j’irai t’oublier, rire de ton absence ;
Là, dans un air plus pur respirer, en silence
Et nonchalant du terme où finiront mes jours,
La santé, le repos, les arts et les amours.


XXVI[1]


Non, je ne l’aime plus ; un autre la possède.
On s’accoutume au mal que l’on voit sans remède.
De ses caprices vains je ne veux plus souffrir :
Mon élégie en pleurs ne sait plus l’attendrir.

  1. Édition 1819.