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SECONDE VERSION[1]


Reine de mes banquets, que Lycoris y vienne,
Que des fleurs de sa tête elle pare la mienne ;
Pour enivrer mes sens que le feu de ses yeux
S’unisse à la vapeur des vins délicieux
Hâtons-nous, l’heure fuit. Un jour inexorable,
Vénus, qui pour les dieux fit le bonheur durable,
À nos cheveux blanchis refusera des fleurs.
Et le printemps pour nous n’aura plus de couleurs.
Qu’un sein voluptueux, des lèvres demi-closes.
Respirent près de nous leur haleine de roses ;
Que Phryné sans réserve abandonne à nos yeux
De ses charmes secrets les contours gracieux.

Quand l’âge aura sur nous mis sa main flétrissante,
Que pourra la beauté, quoique toute-puissante ?
Nos cœurs en la voyant ne palpiteront plus.
...................

C’est alors qu’exilé dans mon champêtre asile,
De l’antique sagesse admirateur tranquille,
Du mobile univers interrogeant la voix.
J’irai de la nature étudier les lois :
Par quelle main sur soi la terre suspendue
Voit mugir autour d’elle Amphitrite étendue ;

  1. Édition 1819.