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Mais voici le génie d’expression qui se retrouve : « Des opinions puissantes, un vaste échafaudage politique et religieux, ont souvent été produits par une idée sans fondement, une rêverie, un vain fantôme,

Comme on feint qu’au printemps, d’amoureux aiguillons
La cavale agitée erre dans les vallons,
Et. n’ayant d’autre époux que l’air qu’elle respire,
Devient épouse et mère au souffle du Zéphire. »

J’abrège les indications sur cette portion de son sujet qu’il aurait aimé à étendre plus qu’il ne convient à nos directions d’idées et à nos désirs d’aujourd’hui ; on a peine pourtant, du moment qu’on le peut, à ne pas vouloir pénétrer familièrement dans sa secrète pensée :

« La plupart des fables furent sans doute des emblèmes et des apologues des sages (expliquer cela comme Lucrèce au livre III). C’est ainsi que l’on fit tels et tels dieux… mystères… initiations. Le peuple prit au propre ce qui était dit au figuré. C’est ici qu’il faut traduire une belle comparaison du poète Lucile, conservée par Lactance (Inst. div., liv. I, chap. xxii) :

Ut pueri infantes credunt signa omnia ahena
Vivere et esse homines, sic istic (pour isti) omnia ficta
Vera putant[1]

Sur quoi le bon Lactance, qui ne pensait pas se faire son procès à lui-même, ajoute avec beaucoup de sens,

  1. Comme les enfants prennent les statues d’airain au sérieux et croient que ce sont des hommes vivants, ainsi les superstitieux prennent pour vérités toutes les chimères.