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Ainsi, dans ses écrits partout se traduisant,
Il fixe le passé pour lui toujours présent,
Et sait, de se connaître ayant la sage envie,
Refeuilleter sans cesse et son âme et sa vie.


XXI[1]


Reste, reste avec nous, ô père des bons vins !
Dieu propice, ô Bacchus ! toi dont les flots divins
Versent le doux oubli de ces maux qu’on adore ;
Toi, devant qui l’amour s’enfuit et s’évapore,
Comme de ce cristal aux mobiles éclairs
Tes esprits odorants s’exhalent dans les airs.

Eh bien ! mes pas ont-ils refusé de vous suivre ?
Nous venons, disiez-vous, te conseiller de vivre.
Au lieu d’aller gémir, mendier des dédains,
Suis-nous, si tu le peux. La joie à nos festins
T’appelle. Viens, les fleurs ont couronné la table :
Viens, viens y consoler ton âme inconsolable.

Vous voyez, mes amis, si de ce noble soin
Mon cœur tranquille et libre avait aucun besoin.
Camille dans mon cœur ne trouve plus des armes,
Et je l’entends nommer sans trouble, sans alarmes ;
Ma pensée est loin d’elle, et je n’en parle plus ;
Je crois la voir muette et le regard confus,

  1. Édition 1819.