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rapporte à cette partie du poème, dans ses papiers, est volontiers marqué en marge du mot flétrissant (δεισιδαιμονία). Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les préjugés :

« Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste.

« L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques. Les superstitions prirent la teinture de l’esprit des peuples, c’est-à-dire des climats. Rapide multitude d’exemples. Mais l’imitation et l’autorité changent le caractère. De là souvent un peuple qui aime à rire ne voit que diable et qu’enfer. »

Il se réservait pourtant de grands et sombres tableaux à retracer : « Lorsqu’il sera question des sacrifices humains, ne pas oublier ce que partout on a appelé les jugements de Dieu, les fers rouges, l’eau bouillante, les combats particuliers. Que d’hommes dans tous les pays ont été immolés pour un éclat de tonnerre ou telle autre cause !…


Partout sur des autels j’entends mugir Apis,
Bêler le dieu d’Ammon, aboyer Anubis. »