Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NAÏS.

Je suis chère à Diane ; elle me favorise.

DAPHNIS.

Vénus a des liens qu’aucun pouvoir ne brise.

NAÏS.

Diane saura bien me les faire éviter.
Berger, retiens ta main… berger, crains ma colère.

DAPHNIS.

Quoi ! tu veux fuir l’Amour ! l’Amour à qui jamais
Le cœur d’une beauté ne pourra se soustraire ?

NAÏS.

Oui, je veux le braver… Ah !… si je te suis chère…
Berger… retiens ta main… laisse mon voile en paix.

DAPHNIS.

Toi-même, hélas ! bientôt livreras ces attraits
À quelque autre berger bien moins digne de plaire.

NAÏS.

Beaucoup m’ont demandée, et leurs désirs confus
N’obtinrent, avant toi, qu’un refus pour salaire.

DAPHNIS.

Et je ne dois comme eux attendre qu’un refus ?

NAÏS.

Hélas ! l’hymen aussi n’est qu’une loi de peine ;
Il n’apporte, dit-on, qu’ennuis et que douleurs.

DAPHNIS.

On ne te l’a dépeint que de fausses couleurs :
Les danses et les jeux, voilà ce qu’il amène.