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és, interrogés, leurs équipages livrés à des recherches inexcusables ; comme l’année dernière, des comités d’inquisition fouillent dans les maisons, dans les papiers, dans les pensées, et nous les applaudissons ; et qu’on ne me dise pas que ces soins et ces perquisitions ont eu quelques bons effets ; car, outre que je pourrais le nier formellement, je dis que cette raison ne vaut rien ; qu’un établissement mal conçu n’est jamais aussi utile un moment qu’il est nuisible à la longue ; et qu’enfin on est bien loin d’un bon esprit public, quand on pense que le succès peut rendre banne une chose essentiellement mauvaise ; enfin, comme l’année dernière, une partie du peuple s’obstine à se mettre à la place des tribunaux, et se fait un jeu, un amusement, de donner la mort ; et sans nos magistrats, sans nos gardes nationales, qui avancent l’ouvrage, quand nous restons en arrière, personne ne doute que des scènes de sang ne se renouvelassent à nos yeux. Abominable spectacle ! ignominieux pour le nom français ! ignominieux pour l’espèce humaine ! de voir d’immenses troupes d’hommes se faire, au même instant, délateurs, juges et bourreaux. Qu’on excuse, qu’on justifie même, sur la première effervescence du moment, sur le sentiment d’une longue oppression, sur l’irrésistible effet d’un changement total dans un grand peuple, ces catastrophes, qui furent funestes à des hommes chefs d’établissements qui faisaient gémir la nation ; soit, j’y consens. Mais excusera-t-on ces supplices longs et laborieux, ces tortures subtiles et recherchées, auxquelles une populace impie a livré