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toutes les causes qui empêchent le calme et la concorde de se rétablir parmi nous, et d’amener un bon esprit publie, sans lequel les institutions salutaires sont vaines. Et examinant à quoi tient parmi nous ce penchant aux soupçons, au tumulte, aux insurrections, porté à un si haut degré, quoique la division d’intérêts, la chaleur des opinions, le peu d’habitude de la liberté, en soient des causes toutes. naturelles : nous ne pourrons méconnaître qu’elles sont prodigieusement augmentées, nourries, entretenues, par une foule d’orateurs et d’écrivains qui semblent se réunir en un parti.

Tout ce qui s’est fait de bien et de mal, dans cette révolution, est dû à des écrits. Ce sera donc là peut-être aussi que nous trouverons la source des maux qui nous menacent. Nous chercherons alors quel peut être l’intérêt de ces auteurs de conseils sinistres, et il se trouvera que la plupart sont des hommes trop obscurs, trop incapables, pour être des chefs de parti. Nous en conclurons que leur mobile est l’argent, ou une sotte persuasion ; car, dans les révolutions politiques, il ne faut pas croire que tous ceux qui embrassent une mauvaise cause, et qui soutiennent des opinions funestes, soient tous des hommes pervers et mal intentionnés. Comme la plupart des hommes ont des passions fortes et un jugement faible, dans ce moment tumultueux, toutes ces passions étant en mouvement, ils veulent tous agir et ne savent point ce qu’il faut faire, ce qui les met bientôt à la merci de scélérats habiles : alors, l’homme sage les suit des yeux ; il regarde où ils tendent ; il observe leurs démarches et leurs préceptes ;