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d’éloigner nos ennemis, de les combattre, de les connaître même ? La France est immensément peuplée ; elle a des armes ; elle a de tout : ce n’est qu’avec de l’union, du sang-froid, de la sagesse, que l’on peut faire un usage vigoureux et efficace de ces forces ; ce n’est qu’avec cette concorde courageuse, qui ne connaît d’autre parti que le bien général, qu’on parvient à tout voir, à tout prévenir ou à tout réparer, à faire face à tout. Ainsi, cette désunion, cette division de partis sont imprudentes et dangereuses ; et la paix et l’unanimité sont aussi conformes à l’intérêt, qu’à la dignité nationale. Il est digne, en effet, de la liberté et d’un grand peuple qui vient de la conquérir, qu’il prise assez sa conquête pour affronter tous les orages qu’elle peut attirer sur lui. Il a dû s’y attendre ; et si, calme et bien uni, et ne faisant pour ainsi dire qu’un seul homme, il attend les attaques avec une contenance mâle et altière, et une fierté paisible, fondée sur la conscience qu’il est libre et qu’il ne peut plus ne pas l’être : on y réfléchit à deux fois avant de l’attaquer ; et un grand peuple qui marche au combat avec la forte certitude qu’il peut périr, mais non pas servir, est bien rarement vaincu. Du moment qu’il nous est bien démontré que si nous avons des ennemis au-dehors, ou des ennemis cachés au milieu de nous, ce n’est que dans le calme et la concorde que nous pouvons trouver de sûrs moyens de les connaître, de les intimider, de les combattre ; il reste évident que notre premier intérêt est de chercher et de détruire comme ennemies