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c’est-à-dire de la raison et de la justice. Mais détrompez leur ignorance, en leur faisant voir l’ordre, l’équité, la concorde rétablis dans les villes et les campagnes ; les choses et les personnes en sûreté ; tous les citoyens sous la sauve-garde de la loi, et n’obéissant qu’à elle : qui peut douter qu’alors ils ne reviennent de leur exil et de leurs erreurs ? Qui peut douter qu’alors dans l’âme de ceux qui sont absents il ne se réveille un vif désir de revoir leur patrie, que peut-être ils croient haÏr ? Qui peut les croire assez stupides pour préférer, à la douceur de venir rétablir leur fortune, améliorer ce qui leur reste de biens, et achever de vivre tranquillement avec leurs amis et leur famille sur le sol qui les a vus naître, l’ennui d’errer de contrée en contrée, pauvres, ne tenant à rien, sans parents, sans amis, seuls, en butte à la fatigante curiosité ou à la pitié humiliante, ou même quelquefois à l’insulte et au mépris ? Mais, rentrés chez eux, ils ne seront peut-être pas des patriotes bien zélés ? Qu’importe, avez-vous d’ailleurs le droit, avez-vous le pouvoir de l’exiger ? Pouvez-vous contraindre un homme. à aimer ce qu’il n’aime point ? Pouvez-vous le forcer à quitter des préjugés antiques, lorsque ses trop faibles yeux n’en voient point l’absurdité ? Ce que vous pouvez exiger, c’est qu’ils soient des citoyens paisibles, et il est évident qu’ils le seront. Peut-il, tomber sous le sens qu’ils voulussent compromettre leur repos, leur sûreté, leur famille, leur vie, dans les hasards de complots toujours si difficiles à tramer au milieu de la vigilance publique, et aujourd’hui impossibles à exécuter