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soient entièrement livrés aux conseils d’étrangers fugitifs, dont les uns, et c’est le grand nombre, n’étaient dans leur patrie que des particuliers peu connus ; et les autres ont tous perdu leur crédit, et presque tous leurs richesses dans la révolution qui s’opère. Il est peu vraisemblable aussi qu’ils ne voient pas que cette révolution n’est point l’ouvrage de quelques volontés isolées ; que la nation entière en a eu besoin, l’a voulue, l’a opérée ; et que, par conséquent, les secours formels qui pourraient leur être destinés parmi nous seraient peu de chose. Et s’il est vrai que les puissances étrangères songent en effet à fondre sur nous, je crois qu’elles comptent beaucoup plus sur l’état de faiblesse où elles nous supposent, et où l’on suppose toujours, et presque toujours assez mal à propos, les peuples qui deviennent libres ; sur les divisions insensées, et nullement fondées, qui nous fatiguent chaque jour ; sur l’insubordination générale, et sur ces alarmes vagues qui nous agitent au seul nom de guerre, et qu’elles peuvent prendre pour de l’effroi.

C’est, d’ailleurs, vraiment une absurdité de croire que les Français qui n’aiment point notre révolution actuelle, principalement ceux que le mécontentement ou la crainte ont fait fuir chez les étrangers, soient tous, sans exception, des ennemis actifs, des conspirateurs ardents, qui n’aient d’autre vœu que de voir tous les citoyens s’entre- gorger, ou d’exciter contre nous les États voisins, afin de rentrer en France le fer et la flamme à la main. Je ne suis que trop persuadé qu’il en est quelques-uns à qui l’orgueil blessé, la haine, la vengeance,